Un insoumis optimiste.
Il fallait être déterminé pour ouvrir, en 1936, une auberge de jeunesse dans une ferme reculée du pays d’Apt. La naissance des loisirs, la montée d’un certain naturo-pacifisme et l’image de ce coin de Provence feraient le reste : c’est ce que nous a déjà conté François Morenas dans son Hôtel des renards (Calman-Lévy), l’histoire du premier Regain, entreprise généreuse et joyeuse interrompue par la guerre.
Mais persévérer, dans le marasme qui suivit, relevait de la plus haute témérité soit parce que la jeunesse était occupée ailleurs, de gré ou de force, soit parce que la nouvelle politique de la jeunesse et des loisirs promue par Vichy – plus proche de l’embrigadement que de l’épanouissement – ne pouvait convenir en aucun cas à notre insoumis des collines.
Qu’à cela ne tienne : il continuerait à sa façon, installant une nouvelle auberge dans un prieuré en ruines – Clermont d’Apt – , nourrirait sans compter du maigre produit de ses cultures, mettant ainsi en pratique la philosophie de Giono du retour à la terre. Les années, les journées difficiles qu’il va devoir traverser seront sans doute les plus héroïques de sa vie. Parce qu’il lui apparut vite illusoire de pouvoir vivre, seul, dans une nature ingrate et prolifique de sa seule beauté, et parce que plus que jamais en ces circonstances historiques les hommes se révélaient tels qu’ils étaient : plus souvent lâches que courageux, égoïstes que généreux, l’auteur n’éludant jamais en ce domaine ses propres contradictions…